Des vétérinaires et des éthologues réagissent aux données

et aux analyses du Dr Jean-Jacques Kona-Boun

 

 

En tant que vétérinaire depuis plus de 20 ans, président de la Humane Society Veterinary Medical Association, ainsi qu’ex président de la Society for Veterinary Medical Ethics, j’ai été profondément troublé par les vidéos et les images des rodéos de Montréal et de St-Tite qui m’ont été fournies. La fréquence à laquelle les animaux semblent subir des blessures physiques – réelles, probables ou potentielles –  est alarmante, sans parler des signes de peur et de douleur que bon nombre d’animaux affichent au cours des activités de ruade ou de prise au lasso. Le fait que nous débattions encore de la sensibilité animale en 2018 est vraiment décourageant : à la lumière de l’examen des données qui m’ont été soumises, il est indéniable que le bien-être des animaux est sérieusement compromis. De nombreux événements de rodéo, par leur nature même, exposent les animaux à un risque véritable de blessures multiples.

Dr Gary Block, DMV, MS, DACVIM, médecin vétérinaire, président de la Humane Society Veterinary Medical Association, ex-président de la Society for Veterinary Medical Ethics, ex-délégué de la American Veterinary Medical Association

 

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Forcer les animaux à se produire dans des situations où ils montrent des signes évidents de détresse extrême, et courent le risque des blessures entièrement évitables, est un prix bien trop élevé à payer pour la gloire et le divertissement des êtres humains.

Dr Paul McGreevy, Ph.D., BVSc, médecin vétérinaire et éthologue, professeur de science du comportement et du bien-être animal à la Sydney School of Veterinary Science, Australie

 

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Le rodéo est indéniablement brutal. Il menace la vie des animaux concernés et trop souvent y met fin. Que cette activité soit commercialisée en tant que sport est tout aussi inquiétant. Allons-nous, nous adultes, prendre plaisir à la douleur et à la souffrance des animaux? Allons-nous enseigner à nos enfants que ce comportement est non seulement acceptable mais divertissant? Le lien entre les mauvais traitements infligés aux animaux et les mauvais traitements infligés aux humains est bien établi. Les activités telles que le rodéo qui terrifient les animaux et leur nuisent doivent être envisagées aussi à travers cette lentille.

 Dre Joann M. Lindenmayer, DMV, MPH, Dipl. American Veterinary Epidemiology Society (Hon.), médecin vétérinaire, présidente du Conseil de direction de la Humane Society Veterinary Medical Association


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Les séquences vidéo des rodéos que j’ai pu observer montrent des veaux, des taureaux ou des chevaux adultes jetés au sol, s’écraser sur des barrières et agressés physiquement de multiples façons. La normalité apparente de ces pratiques ne change rien à la réalité biologique selon laquelle elles sont physiquement et psychologiquement abusives, et de façon marquée. Dans un seul exemple, le cou d’un veau est violemment tordu d’environ 180 degrés. Une telle mauvaise manipulation risque de causer de graves blessures à l’animal en plus de l’exposer à du stress et à de la panique. Étant donné la compréhension moderne de la sensibilité animale et de la capacité de souffrance qu’on reconnaît aux animaux, ces pratiques ne peuvent plus être justifiées pour le divertissement de certaines personnes.

Dr Andrew Knight, BVMS, CertAW, MANZCVS, DipECAWBM (AWSEL), DipACAW, PhD, FRCVS, SFHEA, médecin vétérinaire, professeur de science du comportement et du bien-être animal, directeur fondateur du Centre for Animal Welfare, Université de Winchester, Royaume-Uni.

 

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Il convient de féliciter l’Assemblée nationale du Québec pour avoir reflété le consensus scientifique et sociétal reconnaissant la sensibilité de l’animal. Je suis vétérinaire canadien pratiquant en Angleterre depuis près de 50 ans. J’ai également écrit de nombreux livres sur le comportement animal qui sont basés sur le fait reconnu que les animaux ont une vie mentale interne. À la lumière des vidéos et des images provenant des rodéos de Montréal et de St-Tite qui m’ont été soumises, il est évident que le bien-être et la sécurité des veaux, des bouvillons, des taureaux, et des chevaux sont compromis. Les animaux présentent des signes comportementaux de détresse significative. Les rodéos font partie de mon histoire culturelle. Le changement culturel est difficile, mais nier ce que je vois dans les vidéos et images équivaudrait à nier tout ce que la science nous a appris sur le comportement des animaux au cours des dernières décennies.

Dr Bruce Fogle, MBE DVM (Guelph) MRCVS, médecin vétérinaire, président de la Humane Society International

 

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Les nombreuses études scientifiques montrant que les animaux éprouvent des émotions ont permis de faire voter une loi les protégeant eux et leur bien-être. Est-il donc normal de voir encore aujourd’hui des activités dites « récréatives » pour l’Homme mettre en danger la santé mentale et physique de ces animaux ?

 Mylène Quervel-Chaumette, Ph.D., éthologue, directrice de Éthope

 

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Devant les signes de détresse évidents des animaux utilisés dans les rodéos, il est difficile de justifier qu’un tel sort leur soit réservé sous le couvert de “sport” ou de divertissement. L’idée que des animaux soumis à un tel stress, sans considération pour les risques physiques encourus et la peur générée, puissent être considérés comme des athlètes « heureux » de participer — est d’une naïveté déconcertante.

 Marine Cassoret, Ph.D., comportementaliste

 

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D’un point de vue scientifique, les indicateurs physiques, physiologiques et comportementaux mesurés afin d’évaluer le bien-être des équins et bovins utilisés lors des rodéos démontrent une atteinte aux impératifs biologiques. Les indicateurs physiques, comme des blessures, physiologiques comme des symptômes d’hyperthermie et des indicateurs comportementaux comme la ruade permettent de conclure que le bien-être de ces êtres animaux est compromis lors de tels d’événements.

—  Anik Boileau, M.Sc., éthologue, directrice du CERSI

 

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Je suis vétérinaire accréditée dans le domaine de la médecine d’urgence et des soins intensifs. J’ai possédé des chevaux et des chèvres pendant la plus grande partie de ma vie. Je me sens très à l’aise dans ma compréhension des façons dont certains types de traumatismes causent des blessures et des douleurs aux animaux, et très à l’aise dans ma capacité à reconnaître la douleur ou la détresse chez les grands animaux. Les images, fixes et vidéos, que j’ai vues des rodéos du Québec étaient choquantes. Elles démontrent un niveau de mépris pour le stress animal ou une blessure potentielle que je n’ai pas constaté lors de rodéos de petites villes ou les gymkhanas que j’ai vus, là où les animaux étaient soumis à un certain stress. Les rodéos sont censés être une forme de divertissement – et de nos jours, soumettre des animaux à ce type de stress à des fins de divertissement ne devrait pas, à mon avis, être toléré. Les chevaux tombant à genoux, ou essayant de franchir une porte, ou prenant des virages serrés si rapidement que leurs membres postérieurs glissent sous eux – cela pose de vrais risques de blessures orthopédiques qui peuvent chez les chevaux signifier une condamnation à mort. Les vertèbres cervicales des veaux qui se font prendre au cou par une corde à pleine vitesse, puis traînés par cette même corde subissent un stress énorme. La détresse claire que ces veaux démontrent ne devrait être divertissante pour personne.

—  Dre Justine Johnson, DVM, DACVECC, médecin vétérinaire, Ocean State Veterinary Specialists

 

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Les activités de rodéo – photographiées et captées sur vidéos lors des rodéos de Montréal et de St-Tite de 2017 – analysées par le docteur Kona-Boun m’inquiètent énormément. La preuve d’un risque pour la santé des animaux est indéniable. Par exemple, la prise des veaux au lasso démontre que la strangulation extrême (manifestée par l’angle du cou) qui s’exerce sur ceux-ci au moment où ils sont attrapés se poursuit jusqu’à leur placage au sol. La tension extrême de la corde est maintenue après le placage par les cowboys, alors que les veaux se font traîner sur plusieurs mètres par le cheval auquel l’autre bout de la corde est attaché. De plus, la force avec laquelle les veaux sont projetés au sol me fait fortement soupçonner des ecchymoses pulmonaires et des nervures, cliniques ou subcliniques. À elles seules, ces deux activités sont déjà clairement des sources de risque à la santé des veaux. Aussi, le cou des bouvillons est tordu jusqu’à 180 degrés lors de leur terrassement, ce qui provoque une torsion anormale de cette partie du corps à sept vertèbres, comprenant un grand nombre d’apophyses épineuses et transversales, et réduit sa mobilité. Une telle torsion pose clairement des risques à la santé des bouvillons. Les photos montrent aussi des taureaux et des veaux une corde fortement serrée sur les yeux, ouverts ou fermés, une source de douleur indiscutable, en raison de la brûlure provoquée par la corde ou du réflexe oculocardiaque. Quant aux vigoureux coups de fouet donnés aux chevaux, ce sont des actes délibérés en vue d’infliger une douleur. Cela se passe d’autres commentaires. C’est l’évidence même. Les faits relevés ci-dessus, concernant les rodéos qui se sont tenus en 2017 dans la province de Québec, ne sont qu’un petit échantillon des risques gratuits imposés à la santé des animaux par ce genre d’activités. Ceci est d’autant plus troublant que ces risques qu’on fait encourir aux animaux le sont à des fins de divertissement.

—  Dre Judith Samson-French, DVM, MSc, médecin vétérinaire, présidente de la Foundation Animal Wellness Initiatives, et propriétaire du Banded Peak Veterinary Hospital, Canada.

 

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Ce contenu a été mis à jour le 4 mai 2018 à 21 h 12 min.